
Un petit conte pour illustrer que la récompense est un outil dans l'arsenal de l'éducateur dont il faut user avec beaucoup de précautions. Cette petite histoire souvent racontée dans les cours de psychologie sociale nous introduit à un questionnement sur le fonctionnement de la motivation et sur la façon dont la motivation de nos enfants peut évoluer dans le bon sens ou dans le mauvais sens.
Par Peter Vanhaesendonck
N'étouffez pas la motivation de votre enfant dans l’œuf!
La motivation, l'enthousiasme et le plaisir à être dans l'action, voilà des choses bien précieuses mais semble-t-il fragiles. Quand il s'agit de notre enfant, nous aimerions parfois qu'il mette autant d'enthousiasme à nous aider dans les tâches quotidiennes que dans ses jeux. Et nous sommes tentés à ce moment-là de lui promettre des récompenses. Le récompenser d'un petit billet de 5€ pour laver la voiture, extérieur et intérieur, ou lui promettre un cinéma s'il tond la pelouse. Récompenser, est-ce un bon moyen pour obtenir que notre enfant fasse quelque chose que, pense-t-on, il ne ferait pas spontanément? Est-ce que la récompense est un bon outil dans l'arsenal éducatif? Laissez-moi vous raconter un conte qui m'a été librement inspiré par un exemple repris en psychologie sociale.
Cela se passait dans un quartier d'une petite ville. Au fond d'une rue étroite en cul de sac, cinq enfants, 3 garçons et deux fillettes d'une dizaine d'années, venaient tous les soirs après le repas jouer avec un ballon, improvisant un but de football avec des boites de cartons et des batons. Les voitures venaient rarement les déranger au bout de cette rue, l'endroit était idéal pour qu'ils se défoulent après leur journée d'école. Dans un appartement du dernier immeuble, vivait un vieil homme. Il n'était pas particulièrement acariâtre, mais il ne supportait pas facilement les cris des enfants et les claquements du ballon contre le mur de la cour au fond de la rue. Cela faisait maintenant une semaine que ces cinq "goonies" avaient élu sa rue comme terrain de jeu et il commençait à devenir très nerveux. Il décida de leur parler. Et voici ce qu'il fit.
Le soir venu, lorsque les enfants arrivèrent, il n'intervint pas de suite. Il les laissa jouer. Il les guettait régulièrement depuis sa fenêtre. Il en repéra un qui avait l'air d'être le meneur naturel et accepté du groupe. Lorsqu'il les vit ranger les boites et les batons et s'apprêter à rentrer chez eux, il descendit à la porte d'entrée et héla le petit meneur qui s'approcha, le regard farouche, le ballon sous le bras. Il s'attendait à "recevoir un savon". Mais, contre toute attente, le veil homme lui dit: "Bonsoir mon gamin. Dis-moi, vous avez l'air de bien vous amuser ici tous les soirs. Je vous observe et, vraiment, ça fait plaisir à voir". Le garçon ne comprenait pas. Bien sûr, vous l'avez remarqué, le vieil homme était sacrément roublard. Il continua: "Bien, je vois bien que c'est toi qui est le chef de la bande, alors voilà, c'est à toi que je m'adresse pour faire ma demande". Le gamin se dit: "Allez, après les fleurs, je vais recevoir le pot". Mais le vieil en vint à sa demande: " Voila, si tu veux bien revenir demain ici à 8 heures du soir avec tes copains et jouer au ballon, ça me fera très plaisir et pour vous récompenser, je vous donnerai à chacun 2 €. Avant de repartir, tu viendras toi-même ici comme ce soir, et je te donnerai 5 pièces d'1€ que tu redistribueras. C'est d'accord?". Le gamin d'en revenait pas. Vraisemblablement le vieux était sénile. Mais bon, une offre comme ça, ça ne se refuse pas. "D'accord, m'sieur, à demain, alors!".
Et le lendemain, les voila comme tous les soirs à installer leur but au fond de la ruelle. Ils jouent avec plaisir et ensuite, quand arrive l'heure de rentrer, le petit meneur vient à la porte où l'attend le vieil homme. Celui-ci lui dit: "Bien, vous êtes venus ce soir et comme promis, voici 5 pièces de 2 €" et il lui tend les pièces que le gamin s'empresse de prendre. Et le vieil homme continue: "Puis-je te demander encore une fois de venir jouer demain soir avec tes petits camarades. Je te donnerai alors volontiers 5 pièces de 1 € que tu redistribueras". Le garçon se dit que le vieux n'était peut-être pas si riche que ça, mais bien sur, il ne refusa pas l'offre. Le vieil homme insista: " A 20 heures tapantes, j'y tiens, vous devez être là. Alors d'accord?". Et le gamin: "Bien, M'sieur". Et le lendemain soir, à 20h00 pile, les voilà. Ils jouent et jettent de temps en temps un coup d’œil vers l'appartement du vieil homme. "Viendra-t-il ce soir? "Nous donnera-t-il sa récompense?"... A la fin, le petit meneur arrive à la porte de l'immeuble. Il s'apprête à recevoir la récompense. Et le vieil homme s'exécute come il l'avait promis: "Tiens, voila les 5 pièces d'1 €. Ecoute, si vous revenez demain, ça me ferait plaisir, je te donnerai pour chacun une pièce de 50 centimes. Mais veillez à être là à 20h00 pile et puis j'aimerais que vous commenciez par des tirs au but pendant un quart d'heure" Le gamin sourit en pensant que les tirs au but, c'est ce qu'ils préféraient. "Bon, d'accord, M'sieur". Et le lendemain, tout se passe comme prévu: arrivée à 20h00, un quart d'heure de tirs au but et match. Et à la fin, on va chercher sa récompense. Et le vieil homme s'adresse comme les autres soirs au petit meneur: "Bien voici les 5 pièces de 50 centimes, comme promis. Eh bien, si vous revenez demain soir, je te donnerai pour chacun une pièce de 20 centimes. Mais, j'insiste..." Le gamin, furieux, ne le laisse pas finir sa phrase: "Ah ben, non, si vous croyez qu'on va venir pour 20 centimes! Pfff! on bouge pas de chez nous! C'est vrai, quoi! Vous pouvez pas payer plus?". Le vieil homme sourit "Ah ben, non, désolé, c'est à prendre ou à laisser". Et le gamin se tourne vers ses amis: " Fini pour nous ici, les gars, on reviendra plus". Et ils s'en vont sous le regard triomphant du vieil homme...
Cette histoire illustre bien l'effet pervers de la récompense. Quelque chose qui ne peut s'obtenir que par la promesse d'une récompense ne peut être quelque chose que l'on ferait spontanément, par plaisir et en éprouvant de l'intérêt, de la curiosité, voire de la passion. A un moment, dans l'esprit de l'enfant, la récompense apparaît comme le motivateur principal qui le fait agir. Dès lors, il est difficile pour lui d'imaginer le faire sans sa récompense. En outre, si cette récompense tend à diminuer, cela signifie pour lui qu'il a moins de valeur.
Dans l'éducation, cette compréhension de la motivation de notre enfant est primordiale. S'intéresser à cette petite flamme qui l'anime dans ce qu'il entreprend nous permet de l'aider à affronter des situations plus difficiles et à accomplir des actions qui n'offrent pas un plaisir immédiat mais lui permettent d'atteindre des buts valorisants.
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Prenez soin de vous.
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